Nouvelle hospitalisation, nouvelle chimio

Tout a commencé en fin de semaine dernière avec une grosse fatigue et mes jambes qui se couvraient de bleus. Direction le labo d’analyses dès lundi matin – résultats trois heures après… mes plaquettes étaient tombées en dessous de 5000 (la normale est entre 150 et 300.000).

Allo l’hôpital, qui me répond de venir au plus vite pour recevoir une transfusion. Et depuis je n’en suis pas repartie. Et depuis je reçois une transfusion par jour. Et depuis j’ai commencé une nouvelle chimiothérapie.

Apres 3 jours d’examens et analyses dans tous les sens (y compris un nouveau myelogramme où ils ont dû s’y reprendre à 4 fois ; la ponction que tout le monde redoute, voir article publié ici) toutes les causes périphériques ont été éliminées : pas d’infection, pas de virus, pas de GVH… c’est la moelle osseuse qui s’est remise à bugger.  Mes cellules cancereuses qu’on savait agressives  n’ont pas laissé suffisamment de temps au greffon pour faire le job.

Heureusement, le nouveau protocole de chimio est beaucoup moins invasif : deux piqûres pendant 7 jours, puis 3 semaines de repos et on recommence sur une période de 4 ou 5 mois. Il ne devrait pas y avoir d’aplasie et à priori peu d’effets secondaires. En plus, comme c’est une injection sous-cutanée, le traitement pourra se faire de chez moi avec une infirmière, une fois qu’on aura stabilisé mon problème de plaquette.

A l’issue de cette étape, il s’agira de rebooster le greffon en demandant à mon donneur des lymphocytes qui me seront transfusées et reprendront l’exercice de nettoyage.

Rien d’extra-ordinaire dans cette situation… ça arrive et j’avais été prévenue que tout ne serait pas linéaire. J’ai juste perdu quelques mois dans mon planning (pas mon habitude pour ceux qui me connaissent) et redécouvert cette lapalissade : un patient doit être patient.

Cocktail de médicaments

Après une allogreffe, le corps devient une usine chimique.

Puisque le greffon de moelle osseuse cherche à tuer les cellules existantes, une armée de médicaments doit en anticiper ou réduire les effets nocifs.

Résultat, aujourd’hui je prends 24 comprimés par jour… Inutile de dire que ça travaille là-dedans à plein régime.

Il y a les anti…
Anti-rejet, antibiotiques, antiviraux, antihistaminiques, anti-mycosique, anti-douleurs

Il y a les …ium
Potassium, calcium, magnesium

Et le autres
Cortisone, acide biliaire…

Du coup, mon régime c’est sans sel, sans sucre, sans poivre, sans vinaigre et évidemment sans alcool. Avec plein d’autres restrictions expliquées dans la brochure de 6 pages intitulées « Alimentation surveillée après allogreffe » gentiment distribuée par la diététicienne de l’hôpital. Où j’ai appris qu’il fallait 1/2 verre d’eau de vinaigre blanc par litre d’eau pour pré-laver fruits et légumes. Où la liste des aliments interdits est plutôt longue.

Heureusement, il me reste les herbes, les épices, le citron et l’huile d’olive. Gourmande comme je suis, je ne vais pas me laisser abattre par ces diktats ! je me fait des légumes genre tajine et en cette saison, les cocktails de fruits peux sucrés sont délicieux – melon, pastèque, fraise, kiwi, pomme.

Chaque mardi, quand nous faisons le point avec le médecin à l’hôpital, il allonge la liste des médicaments à prendre. C’est décidé, j’arrête de compter.

L’interne à l’hôpital, ce maillon fort

Cette semaine, c’est remplacement d’internes dans les hôpitaux car tous changent de stage en même temps. J’imagine très bien la première semaine d’un nouvel interne dans un service. Ce médecin junior qui enchaine les internats de 6 mois pendant 4 ans doit à chaque fois se familiariser avec tout, pour ensuite gagner la confiance  de ses chefs.

L’article paru dans le JDD dimanche retraçant la première semaine d’un interne en hôpital donnait un coup de zoom sur cette « profession ». J’y ai découvert par exemple que le mouvement des internes soutient que « face au progrès de la cardiologie, il faudrait cinq ans d’études pratiques, et non quatre« . Incroyable ! Avez-vous jamais vu des étudiants réclamer une année d’étude en plus ?

Quant à moi je me souviens d’Aurélien, l’interne du service Hématologie à la Pitié Salpêtrière. A 28 ans – l’âge de mon fils – il se destine à la médecine interne (genre Dr House, le cador du diagnostic). Une spécialité qui suppose de connaître tout le corps de A à Z, et qui va l’obliger à faire 2 ans de plus d’internat. Déjà médecin chevronné, c’est lui qui a fait pratiquement chaque jour mon examen clinique et rédigé les prescriptions – les chefs de service ne se montrant que de manière hebdomadaire ou si urgences.

Je suis retournée dans le service cette semaine. Aurélien était donc parti vers son nouvel internat. Snif. Il va me manquer. Il a été pendant mes longues semaines d’hospitalisation de greffe un maillon ultra-fort dans l’accompagnement de la maladie. Explications, interprétation, discussion constituaient mon amarre. Une bouée de réassurance ultra importante dans ce bout de chemin qu’est l’allogreffe.

Il faut dire que j’ai toujours bien aimé les internes. Avec un grand-père chirurgien et un père chirurgien, il en gravitait toujours un ou deux autour de la famille. Certains sont même venus déjeuner le dimanche. Nous les aimions bien car c’étaient des gens à la fois cash et bons vivants. Jeunes et gais aussi. Mais je ne pouvais m’imaginer à quel point leur quotidien était si proche du malade.

L’attaque du greffon contre l’hôte (GVH)

Voilà cinq semaines que j’ai été greffée.

A la maison, je vis au ralenti et chaque activité exige ensuite un long repos allongé où je reprends mes forces. Je me couche à 21h30. L’énergie est au fond de mes talons.

C’est normal. J’avale 21 comprimés par jour. Je suis dans les 100 jours pendant lesquels les cellules souches provenant du greffon considèrent certains de mes tissus ou de mes organes sains comme étrangers et vont tenter de les détruire. C’est la réaction du greffon contre l’hôte aussi appelée GvH (Graft vs Host). C’est bien d’en avoir car ça veut dire que le greffon est actif et qu’il attaque bien aussi ma moelle osseuse pour la remplacer complètement. Mais c’est épuisant et ça provoque aussi maux de tête et douleurs musculaires.

Dans mon cas, le greffon s’est aussi attaqué à la peau (c’est ma spécialité, je traine cet effet secondaire depuis le début de mes traitements). Ce n’est pas encore colossal, et cela ne m’empêche pas de passer plein de bons moments à la maison et avec mes proches. Mais la surface de mon corps touchée par l’éruption cutanée augmente de jour en jour depuis le début de semaine.  A suivre donc.

Si le GVH se limitait à cette réaction ce serait parfait. Parfois il s’attaque au système respiratoire, au tube digestif ou au foie. Croisons les doigts pour que cela ne m’arrive pas… je ne suis pas obligée de me payer la totale 🙂

C’est aussi pourquoi j’apprécie ma visite hebdomadaire à l’hôpital – même à l’autre bout de Paris. C’est un suivi qui permet de faire le point, de vérifier le résultat des analyses (les miennes sont bonnes) et d’adapter la prescription des médicaments.

Myélogramme : la ponction que tout le monde redoute

Retour à la Pitié Salpêtrière ce matin en hôpital de jour pour consultation post-greffe. Convoquée à 8:30, j’ai vu le médecin à 13:00… mais du coup j’ai eu le temps de discuter avec d’autres greffés qui ont vécu les mêmes choses et parlent de leur expérience.

Bonne nouvelle, ils m’ont tous dit qu’il n’avaient pas eu de myélogramme depuis longtemps et que tout se passait par prise de sang maintenant.

Cette ponction de moelle osseuse faite dans le sternum pour faire le diagnostic et évaluer le résultat des chimiothérapies est en effet un examen redouté par tout le monde. Dans son livre « journal d’un vampire en pyjama« , Mathias Malzieu, le chanteur du groupe Dionysos, le décrit très bien : « attention dit l’hématologue, je pique… c’est peu le dire ! je transperce eut été plus juste… impression de se faire poignarder avec une banderille… un coup de harpon, je me réincarne en truite…attention, j’aspire… on dirait qu’on m’arrache la cage thoracique ».

Mon premier myélogramme fait le lendemain du premier rendez-vous avec l’hématologue m’a aussi fait un mal de chien.

Une semaine plus tard, premier jour d’hospitalisation, le médecin me demande si j’accepte de faire une ponction de moelle pour des tests scientifiques. J’ai envie de hurler non, mais je dis oui pour faire le bon petit soldat. « si vous voulez, on peut faire dans la hanche ». Allons-y. Je me mets sur le ventre et le médecin commence quelques petites piqûres d’anesthésiant local (qui ne marche pas sur l’os) puis pique avec sa longue aiguille. « ou la la, vous avez la fesse dodue me dit-elle ». En effet, je mange comme un ogre depuis trois mois pour tromper la fatigue. « la moelle se rétracte, désolée ça ne marche pas. Il faut passer par le sternum ».  Je me retourne, re-anesthésiant, elle transperce à nouveau. Pareil, impossible d’atteindre la moelle. « je suis désolée dit-elle, ça arrive de temps en temps ». Super…

Après la première chimiothérapie d’induction, retour voir le médecin qui m’avait fait le premier myélogramme. Je suis terrorisée et lui dit que j’ai eu très mal la dernière fois. Très gentil, il est ennuyé et désolé, me rassure et me dit qu’il va faire très doucement. Et cette fois-ci je n’ai presque pas mal. Comme quoi, quand on prend le temps…

Certains demandent à être endormis 5 mn au masque pour ne rien sentir, d’autres se tartinent avec la crème Emla… à chacun son stratagème pour éviter la douleur.

Mon arbre à bulles

Bien contente d’être rentrée à la maison, mais j’ai mal partout et je ressens un énorme fatigue. Je monte les escaliers comme une vieille dame et j’arrive à peine à faire 10 mn de vélo le matin tant mon souffle est court.

C’est certainement normal après une greffe, d’autant plus que le greffon doit commencer à agir et à chahuter mes cellules. Mes 19 médicaments quotidiens doivent aussi être pour quelque chose dans ce dérangement global.

Donc, besoin de détendre les muscles et de retrouver un bien-être dans ce corps qui ne semble plus vraiment m’appartenir.

Donc, bonheur de tomber sur l’Arbre à Bulles (un nom prédestiné pour ce blog !) un lieu de massage proche de chez moi où Anne-Claire m’a relaxé avec ses doigts de fée. C’était divin. J’y retourne la semaine prochaine.

Sortie d’hôpital :)

Surprise ! j’ai pu sortir 24 heures avant la date prévue… Grande joie et bonheur de retrouver mon cher et tendre, la maison, la nature qui a explosé en un mois.

Voilà donc une étape importante qui s’achève ; l’allogreffe est derrière moi ! EMOTION.

Je suis contente de quitter l’hôpital mais petit pincement au coeur quand je dis au revoir aux infirmières, aux aides-soignantes et à Aurélien, l’interne qui s’est occupé de moi quasiment au quotidien. Je dis un grand MERCI à cette équipe formidable qui sait prodiguer des soins intensifs avec de grands sourires et une infinie douceur.

C’est aussi aujourd’hui que mon cathéter a été enlevé ! Terminé ce petit tuyau planté dans l’épaule droite qui menace de s’infecter. Finies les nuits sans pouvoir dormir sur le ventre. A moi les vraies douches et les bains où je n’aurai plus peur de mouiller le pansement !

Commencent maintenant les 100 jours pendant lesquels le greffon doit faire le job : remplacer ma moelle défectueuse et nettoyer 100% des cellules cancereuses… j’y reviendrai.

Pour le moment, je savoure l’instant présent rempli d’enchantement et d’enthousiasme.

Rires et douceurs à l’hôpital

4 semaines aujourd’hui que je suis à l’hôpital… hier toutes les perfusions ont été retirées, j’ai pu sortir de la chambre pour la première fois, plus reliée à ce fil de 4 mètres qui me permettait juste d’atteindre la douche, le vélo et regarder par la fenêtre.

J’espère sortir bientôt et que cette longue hospitalisation sera la dernière. Même si les internes, infirmières et aides soignantes sont adorables, et même si quelque fois on a bien ri !

Les malheurs de Sophie

J’ai toujours été plutôt maladroite et tête en l’air. Il m’est arrivée depuis l’enfance pas mal de situations cocasses : j’ai redescendu une partie d’un télésiège pendue par un bâton de ski, je me suis prise un poteau dans la rue, un pot de fleur est tombé dans ma voiture décapotable, etc… Evidemment, cette petite malédiction m’a suivie au cours de mes 3 hospitalisations :

  • j’ai failli mettre le feu avec une résistance apportée pour me faire du thé quand j’étais à René Huguenin. Juste oublié qu’elle était encore branchée quand j’ai re-appuyé sur l’interrupteur de la prise multiple quelques temps après. C’était 5 mn avant la grande visite du jeudi. Grosse fumée dans la chambre : je les ai obligés à ouvrir la fenêtre… hi, hi, hi. Je me suis aussi fait une réputation à l’étage : surveiller cette patiente !
  • nos lits montent et descendent pour permettre aux infirmières de faire les soins. Le mien est resté bloqué en haut pendant 3 heures environ. Personne n’arrivait à le faire descendre. Il fallait demander à quelqu’un de m’aider à sauter si besoin d’aller dans la salle de bain.
  • à l’AP-HP, nous sommes des cas d’école pour nombre d’étudiants et stagiaires qui viennent faire leur expérience avec leur prof spécialiste : ce fut notamment le cas quand le dermatologue est venu inspecter mon rash cutané. A ma droite, le médecin dermatologue, à ma gauche sa stagiaire. Il lui pose plein de questions sur l’examen clinique à faire. A un moment donné la stagiaire me dit : « tirez la langue et dites A » et le dermatologue de corriger à ma droite « non, on ne demande pas les 2 en même temps « . Je pars d’un énorme éclat de rire : « je fais quoi alors ??? »
  • un soir, après une transfusion sanguine qui avait déjà mis 2 heures à passer, la lumière du néon au dessus de ma tête est restée bloquée. L’équipe de nuit pas plus que moi n’arrivons l’éteindre : j’ai essayé de dormir avec un bandeau de fortune sur les yeux qui glissait tout le temps, je ne pouvais pas bien respirer. Nuit infernale.

Massage en chambre protégée

Je ne remercierai jamais assez cette association CEW qui envoie des esthéticiennes dans les hôpitaux pour nous apporter du bien-être. C’est à René Huguenin que j’ai fait la connaissance de Corinne, entrée dans ma chambre avec masque-tablier-gants et qui m’a massée pendant 40 minutes avec la seule pommade autorisée en chambre stérile : le dexeryl. Elle est revenue chaque semaine remettre mon corps en harmonie. Me donner de la douceur, dénouer mes épaules et muscles endoloris par la position allongée et les nuits en chien de fusil bloqué côté gauche pour ne pas obstruer le cathéter à droite. Le tout en musique. « Vous avez dû être chat dans une vie antérieure ». Ai-je vraiment ronronné ???

Malheureusement, l’association ne vient pas ici à Pitié-Salpêtrière.