Myélogramme : la ponction que tout le monde redoute

Retour à la Pitié Salpêtrière ce matin en hôpital de jour pour consultation post-greffe. Convoquée à 8:30, j’ai vu le médecin à 13:00… mais du coup j’ai eu le temps de discuter avec d’autres greffés qui ont vécu les mêmes choses et parlent de leur expérience.

Bonne nouvelle, ils m’ont tous dit qu’il n’avaient pas eu de myélogramme depuis longtemps et que tout se passait par prise de sang maintenant.

Cette ponction de moelle osseuse faite dans le sternum pour faire le diagnostic et évaluer le résultat des chimiothérapies est en effet un examen redouté par tout le monde. Dans son livre « journal d’un vampire en pyjama« , Mathias Malzieu, le chanteur du groupe Dionysos, le décrit très bien : « attention dit l’hématologue, je pique… c’est peu le dire ! je transperce eut été plus juste… impression de se faire poignarder avec une banderille… un coup de harpon, je me réincarne en truite…attention, j’aspire… on dirait qu’on m’arrache la cage thoracique ».

Mon premier myélogramme fait le lendemain du premier rendez-vous avec l’hématologue m’a aussi fait un mal de chien.

Une semaine plus tard, premier jour d’hospitalisation, le médecin me demande si j’accepte de faire une ponction de moelle pour des tests scientifiques. J’ai envie de hurler non, mais je dis oui pour faire le bon petit soldat. « si vous voulez, on peut faire dans la hanche ». Allons-y. Je me mets sur le ventre et le médecin commence quelques petites piqûres d’anesthésiant local (qui ne marche pas sur l’os) puis pique avec sa longue aiguille. « ou la la, vous avez la fesse dodue me dit-elle ». En effet, je mange comme un ogre depuis trois mois pour tromper la fatigue. « la moelle se rétracte, désolée ça ne marche pas. Il faut passer par le sternum ».  Je me retourne, re-anesthésiant, elle transperce à nouveau. Pareil, impossible d’atteindre la moelle. « je suis désolée dit-elle, ça arrive de temps en temps ». Super…

Après la première chimiothérapie d’induction, retour voir le médecin qui m’avait fait le premier myélogramme. Je suis terrorisée et lui dit que j’ai eu très mal la dernière fois. Très gentil, il est ennuyé et désolé, me rassure et me dit qu’il va faire très doucement. Et cette fois-ci je n’ai presque pas mal. Comme quoi, quand on prend le temps…

Certains demandent à être endormis 5 mn au masque pour ne rien sentir, d’autres se tartinent avec la crème Emla… à chacun son stratagème pour éviter la douleur.

Les matins mieux

Apres mon précédent papier il faut vite publier des nouvelles et répondre aux messages d’inquiétude et de compassion que j’ai reçus.

La nuit dernière a permis de gagner quelques batailles : le rash est pratiquement terminé (mes jambes sont devenues marbrées violettes c’est ravissant) et la mucite est oubliée. Restent les douleurs dans les membres mais seulement quand je suis debout. Donc CA VA BEAUCOUP MIEUX !!!

Cette nuit en aplasie fut encore morphinique (l’interne vu ce matin m’a dit que j’avais eu une dose assez forte) et j’étais donc encore sous son influence. Quand j’ouvrais les yeux dans cette obscurité pas vraiment noire que sont les chambres d’hôpital avec les halos des seringues à perfusion et de l’écran de scoping, je voyais des volutes blanches se promener au dessus de mon lit, comme si l’air brassé prenait forme et courrait après des êtres diaphanes et transparents. Le fauteuil devenait une personne un peu inquiétante veillant sur moi et le pied à perfusions (qui fait 2 mètres de hauteur environ) gardait l’espace avec sa silhouette de robot et ses bip-bip de pompes. Le tout entre-coupé des réveils toutes les 4 heures pour prendre mes constantes et recharger les seringues.

Et puis le matin est arrivé avec ses promesses. Joie de pouvoir mettre le pied par terre. D’ouvrir les volets et de voir le premier soleil sur les arbres fleuris. Appel de tous mes sens. Présent, présent, présent. Relevé des compteurs positifs. Cette journée s’annonce plus calme et reposante.

L’aplasie envoie ses salves d’effets secondaires qu’il faut traiter, maitriser et vaincre. C’est à chaque fois environ 48 à 72 heures de stress pour y arriver. Et puis ça s’en va comme c’est venu.

Ce matin la vie est belle et les cailloux sont en fleur.

P.S. Merci Cosi pour ce gros plan de tulipe qui illustre mon humeur du matin.

Morphine & co

Malgré mon affirmation d’il y a quelques jours, (cf. article précédent) les douleurs n’ont cessé de s’amplifier, comme autant de combats parallèles qu’il faut mener chacun avec des armes différentes et en fonction du terrain.

Arrivé en premier, le rash cutané est déjà un vieil ennemi combattu lors de ma précédente chimio. Il avait duré environ 3 semaines et une bonne combinaison d’antihistaminiques en avait fait disparaitre les symptômes – le temps que la cause s’arrête (fin du Revlimid utilisé lors de ma 1ère hospitalisation). Ce rash là est revenu plus violent, mélange de plaques et d’éruptions volcaniques n’apparaissant jamais au même endroit du corps, et choisissant de plus en plus le clair de lune pour mieux bruler dans la nuit noire. Sa cause est incertaine et malheureusement les antiallergiques marchent beaucoup moins bien et moins longtemps. La cortisone ajoutée fait pourtant son job de fond. Après chaque vague, je me dis que c’est fini mais non, il revient chaque jour, faible mais encore combattif.

Quant à la mucite, elle se la joue printemps à fond et sème ses petits champignons à tout va dans ma bouche. Résultat, je ne peux pratiquement plus avaler – genre énorme angine  – ni bouger la langue ce qui m’empêche de parler. Je dois me contenter de laper quelques bouchées des repas, passage obligatoire si je ne veux pas avoir une sonde gastrique pour me nourrir de force.

« Ce qui marche bien c’est la morphine » me dit le toubib. Etonnant d’utiliser cette molécule pour lutter contre la douleur d’un champignon dans la bouche non ? La seule et dernière fois que j’en ai consommé, c’était à forte dose en réanimation début janvier quand je faisais un choc septique et souffrait terriblement du ventre. J’avais alors entre les mains une pompe pour m’auto-administrer des doses supplémentaires de cet alcaloïde d’opium en plus de son injection permanente.

Voyage, voyage

Au cours de cette première expérience, j’avais été rapidement soulagée de cette douleur tenace et lancinante qui m’envoyait des coups de poignard depuis déjà plusieurs jours. Sauf que j’ai rapidement eu quelques hallucinations. Je demandais à l’infirmière pourquoi les lits bougeaient dans cet hôpital, je croyais entendre à distance le chef de service parler de mon cas et de mon cathéter qui devenait une idée fixe. Et même si je n’ai pas vu d’éléphants roses, mon mental vagabondait dans les limbes. Du coup j’hésitais un peu à repousser le bouton, inquiète de la destination de ce voyage.

Dans le cas présent, pas de pompe, il s’agit de me perfuser une dose bien plus faible mais en continue pour soulager la mucite. Au début ça n’a fait grand chose – je suis une dure à cuire – et bien qu’ils aient doublé les doses initiales, le résultat est vite là et les effets sont moins violents. Comme quoi c’est bien une histoire de dosage.

Ca ne marche pas sur toutes les douleurs

Ce n’est pas tout ! Alors que les fronts Rash et Mucite commencent à être maitrisés, est survenue une douleur intense dans les quatre membres (comme des déchirures musculaires ou des problèmes articulaires) qui m’a terrassée pendant la nuit de samedi à dimanche et ne m’a pas quittée pendant de longues vingt-quatre heures. A tel point que j’étais prostrée sur mon lit, raide comme la justice. Incapable de mettre le pied par terre, je me sentais vulnérable, fatiguée, dévastée, incapable du moindre geste.

J’ai donc réclamé une augmentation des doses et des petits shots (dits bolus) supplémentaires de morphine – au diable l’avarice ! Après approbation du médecin, je m’attendais vite à un soulagement et m’apprêtais à ce nouveau voyage chimique… pour m’apercevoir 2 heures après que non. Figurez-vous que ça n’a rien fait : le plus fort des anti-douleurs ne soulageait pas la plus forte de mes douleurs… Les voies de la chimie sont impénétrables !

Heureusement, une grosse fièvre a débarqué quelques heures après. Traitée rapidement avec ce bon vieux paracétamol des familles, elle nous a permis de comprendre que mes douleurs intenses pouvaient être soulagées d’au moins 50% avec. Ouf !

Forte de ce cocktail, j’ai pu écrire ce papier. Il n’y a pas de remède miracle aussi fort soit-il qui puisse traiter l’univers impitoyable des douleurs. Seule une combinaison de bon diagnostic, de chimie innovantes, de dosage et de timing permet de gagner ces batailles.

Je sais que celles-ci se termineront avec la fin de l’aplasie.. je la guette !