1er jour de printemps. J-7 greffe

Enfin le printemps est là.
Enfin, me voilà hospitalisée à la Pitié-Salpêtrière pour l’allogreffe, cette étape importante sur le chemin de la guérison.

J-7 car le Jour 1 de cette étape sera la transfusion de moelle osseuse. Soit 6 jours après une cure de chimiothérapie + anticorps qui rendront mon organisme capable de la recevoir.

Cette fois-ci, ma chambre d’hôpital est plus petite mais tout aussi confortable. J’ai de la chance de ne pas être dans une bulle absolue : au cours de mes prochaines 4 semaines, je vais pouvoir me déplacer dans ces 15m2, continuer mon vélo et faire mes ablutions.

Femme en vitrine

Les visites seront possibles aussi. Soit au travers de la vitre qui donne sur un couloir qui donne sur une fenêtre. Soit à l’intérieur de ma chambre, mais habillé en agent anti-infection comme dans les films. Ca va être drôle cette expérience de l’échange au travers d’une vitre. Comme en prison disent les premiers. Comme à Amsterdam en disent d’autres…. où les corps des femmes s’exposent aux passants. Je vais peut-être mettre des dessous noirs et rouges 🙂

Merci Internet

Grâce au mobile 4G et au wifi, cet isolement relatif sera bien plus plaisant qu’il ne l’était avant l’ère digitale. Avec toutes ces fenêtres sur le monde, les proches et les potes, on est quand même moins tributaire de la seule TV avec ses programmes de retraités qui passent à longueur de journée.
Côté lecture, je suis parée avec mon Kindle où je peux télécharger un nouveau bouquin en l’espace de quelques secondes.

Bref, je suis prête pour ce combat. Plein de bonnes munitions avec moi, et la certitude d’un entourage présent. Me voilà les sens ouverts à la découverte de nouveaux chakras 🙂

P.S. Il y a quelques jours, l’Agence de la Biomédecine organisait les journées du don de moelle osseuse. Reportage LCI à regarder ici si ça vous intéresse. Et si vous êtes jeune – entre 20 et 40 ans – pensez à vous inscrire à la banque de don.

P.P.S. J’ai finalement été hospitalisée dans le secteur protégé et non stérile. Donc grande fenêtre donnant sur des arbres et vraie salles de bain. La chance est avec moi 🙂

Donneur de moelle

  1. J’aime bien cette page web du site dédié au don de moelle osseuse.

Surtout la réponse à la 2ème question : non il n’est pas facile de trouver un donneur compatible et  il y avait 1 chance sur 1 million de m’en trouver un (probabilité hors fratrie directe que je n’ai pas). C’est pourquoi chaque nouvelle inscription d’un donneur compte et apporte une possibilité supplémentaire de guérison pour les malades.

J’ai donc beaucoup de chance.

Mon donneur est anonyme comme le veut la loi. Je sais juste qu’il est allemand et né en 1990. Que lui dire d’autre que merci ? Cette personne a un grand coeur d’accepter une longue prise de sang qui va lui prendre 2 à 4 heures, allongé à côté d’une machine qui va trier les globules et les cellules pour ne retenir que les cellules souches de la moelle osseuse.

Cette petite poche de vie contiendra moins d’un litre d’un liquide précieux : véritable usine à produire les globules et les plaquettes et surtout un nouveau système immunitaire qui saura tuer toutes les cellules cancéreuses qu’il rencontre dans mon organisme.

Dans un premier temps, nos 2 moelles vont cohabiter (d’où le combat), et en l’espace de quelques mois, il faut que celle du donneur gagne et que la mienne ait disparu.

Bluffant non ? Et plutôt éprouvé. Les greffes existent depuis le début des années 60… Et depuis ne cessent de s’améliorer pour de meilleurs taux de réussite et une forte diminution des effets secondaires.

L’attente

Il est des temps dans cette maladie où on n’a mal nulle part – tout va bien, on a super bonne mine 🙂 – et on est dans la perspective de la prochaine étape ; soit l’aplasie, soit une chimio, soit une greffe comme c’est mon cas en ce moment.

On sait que ça va arriver et on balance entre profit de l’instant présent et projection sur ce qui, comme on vous l’a expliqué en long et en large, va vous apporter de nouveau des chambardements et des douleurs.

Donc on l’attend cette douleur. Ce qui ne va pas bien avec les tempéraments impatients.
Bizarrement, je n’arrive pas à me souvenir de la douleur de façon concrète dans ma chair. Je m’en souviens intellectuellement mais impossible de le faire physiquement. Ce qui veut dire
1. que je vais beaucoup mieux 🙂
2. que le souvenir de cette douleur n’est pas de la douleur, contredisant cette fameuse phrase de Lord Byron .

Il faut aussi s’adapter au timing, ne plus pouvoir contrôler ni le quand ni le quoi ni le combien.
– Quand ça va arriver exactement ? Par conséquent quand pourrais-je faire ci et ça ?
– Par quel côté va-t-elle venir cette douleur ? La peau ? Le système respiratoire ? Le système digestif ?
– En combien de temps arrivera-t-on à la tuer et par quel moyen ?

Entre temps, on s’occupe des préparatifs.
Se mettre dans l’organisation c’est être en action et ça a du bon. La liste de ce qu’on emporte en environnement stérile. Les besoins qu’on aura pour se recréer sa room-sweet-room.

Allogreffe : le livret d’information

Voici ce qu’on m’a remis cette semaine au cours de ma visite pré-greffe de moelle osseuse à l’hôpital.

C’est très bien fait. Un peu plombant car ca dit non seulement le pourquoi de la greffe, mais aussi tous les risques qui peuvent arriver… comme quand vous lisez une notice de médicament.

Vous pouvez le télécharger ici http://www.sfgm-tc.com/images/documents/LivretGMOFRA2016.pdf

J’ai aussi eu ces explications 2 fois de suite en live lors de ma visite : avec l’infirmière de coordination et avec le médecin hématalogue… Histoire de bien me faire comprendre les tenants et aboutissants du programme que j’ai devant moi 🙂

En gros, le greffon doit forcément vous attaquer car ça veut dire qu’il attaque aussi votre moelle déficiante et met en place un nouveau système immunitaire. Donc vous avez forcément des effets secondaires (heureusement pas tous !). Sinon, ça veut dire que ça ne marche pas.

C’est magique aussi. La moelle qui va m’être transfusée va prendre le pas sur la mienne. Figurez-vous que je vais changer de groupe sanguin (prendre celui du donneur) et que si on me prélève du sang par la suite, on y verra des cellules d’homme. Sachant que mon ADN restera celui d’une femme. Hi, hi, hi… je vais pouvoir me transformer en agent secret 🙂

Au sommaire du livret :

1. L’hospitalisation et la greffe
La moelle osseuse
Quel est son rôle dans l’organisme ?
Quelles sont les cellules de notre sang ? Quel est leur rôle ?
Le système HLA
La greffe
Les complications possibles de la greffe et les moyens d’y remédier
L’isolement, les habitudes des services

2. Le donneur
La démarche du don
Les différents types de don
Un autre don : le don de lymphocytes – DLI
Si le donneur est un membre de la famille

3. Les équipes, le soutien, les aides
Les intervenants
L’entourage
Garder le contact avec vos proches tout en respectant vos besoins
Si vous avez un enfant, des enfants

4. Après l’hôpital
La sortie du secteur stérile
Le retour à la maison

Pourquoi des plantes pour parler de moelle ?

Pourquoi ai-je choisi d’illustrer la myelo-displasie avec ces gros plans de plantes ?

  • Pour réunir une passion et cette situation un peu merdique de maladie, histoire d’y projeter du beau.
  • Je collecte depuis plusieurs années sur mon iPhone des photos au fil des jardins ou de mes voyages. Je fais aussi un peu de curation sur Internet pour enrichir mon catalogue.
  • Pour illuminer les récits de ce blog avec une diversité de formes, des dessins somptueux, la fraicheur du vert ou encore la flamboyance des rouges ; et éviter de tomber dans le technique ou le misérabilisme.
  • L’association si évidente entre notre système sanguin et les nervures des feuilles, la multiplicité des pétales, le foisonnement de la nature.

Ambulance et ambulance

Il y a quelques semaines, transportée en urgence au service de réanimation, j’ai adoré l’ambulance du Samu !

L’ambulancier, beau comme un canon dans son uniforme et accompagné d’une femme médecin jeune et ravissante. Le brancard douillet pour me conduire de la chambre au véhicule ; l’intérieur super équipé avec les perfusions déjà prêtes, les amortisseurs transformant la route en un coussin moelleux et jusqu’au gai pin-pon pin-pon qui demande le passage sur la route, tout est pro et me rassure.

Cinq jours après, retour au centre de cancer, mais je ne suis plus en urgence vitale… juste encore très faible, et les intestins très très dérangés. Damned…le service ambulancier qui débarque va me faire hurler de rire 🙂 !

Hi, hi, hi les ambulanciers du retour

Les deux pieds nickelés (appelons-les Sami le conducteur et Pierrot l’accompagnateur) arrivent avec un brancard si étroit qu’ils ont du mal à caser mon imposante personne. Arrivée devant une camionnette qui n’a de l’ambulance que le nom, Sami et Pierrot me secouent bien pour me hisser à l’arrière.
« m…. , on a oublié le papier de prise en charge, je remonte le chercher » dit le premier qui s’engouffre dans l’hopital bondé à cette heure là
aarh… j’espère qu’il va faire vite, je ne vais pas tenir longtemps sans aller aux toilettes » dis-je à Pierrot. Celui-ci s’énerve en effet et appelle Sami pour qu’il revienne tout de suite. Sans réponse, il décide d’aller à sa recherche et disparait à son tour du parking. Damned, ils m’ont laissée seule dans le véhicule. (remarquez, je ne risque pas de m’échapper 🙂

Evidemment, 1 mn après apparait Sami. Ils se sont croisés sans se voir. Ca devient hilarant.

Quelques 5 bonnes minutes après revient Pierrot et ils se mettent à se hurler dessus l’un l’autre sur le parking ! Mes sphincters sont au bord de l’éclatement ; je les exhorte à partir… je n’en peux plus entre rire et maux de ventre… Chacun monte derrière, on démarre. Et c’est alors que j’ai l’engueulade puissance 10 puisque dans les oreilles tellement ça raisonne dans le véhicule. Le tout au rythme des secousses de la chaussée.

Un voyage heureusement rapide. Il y a ambulance et ambulance. J’imagine que la RSI n’a pas payé le même prix pour l’aller et le retour !

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Le problème avec les cathéters

Un cathéter est un tube long et mince en silicone inséré dans un vaisseau sanguin et permettant l’injection prolongée de médicaments ; dans mon cas les chimiothérapies et antibiotiques qui jalonneront mon traitement.

C’est un dispositif indispensable pour éviter les piqûres à répétition et faciliter les perfusions. Pourtant, selon une enquête nationale de prévalence des infections nosocomiales publiée en 2012 par l’Institut de veille sanitaire, 41 % des bactériémies (présence de bactéries dans le sang) identifiées étaient liées à un cathéter. L’étude date un peu et la littérature plus récente sur Internet indique des chiffres variables sur le sujet… mais les cathéters semblent représenter entre 18 et 25% des infections nosocomiales encore aujourd’hui.

Pas de pot, c’est tombé sur moi 🙁
Posé par un chirurgien plutôt content de lui le 1er jour de mon hospitalisation, mon cathéter a vite révélé un coude empêchant le bon écoulement des perfusions. Résultat, au bout de quelques jours, il fallait changer mon pansement tous les jours pour redresser le tube. Des manipulations trop nombreuses qui favorisent l’introduction d’une bactérie, le fameux staphylocoque doré. Me voilà avec 41° de fièvre, pliée en deux tellement le ventre me fait souffrir et la tension qui baisse, direction le service de réanimation.

Choc septique : Samu -> Service de Réanimation -> 3 perf dans chaque bras -> Pompe à morphine
Je m’en suis sortie après un un traitement de cheval et 4 jours clouée à ce lit de réanimation. La douleur s’est peu à peu atténuée. Ouf.

Mais le plus cocasse reste à venir : une semaine après, retour au bloc opératoire pour la pause d’un 2ème cathéter. Le même chirurgien toujours aussi content de lui ne se souvient pas de moi. Il botte en touche (impossible pour sa part d’être fautif !). Et comme pour se venger de mon reproche à peine voilé, il déclare « parfait, je vais faire exactement comme la dernière fois « . A peine le geste terminé il quitte le bloc sans un au-revoir… je remonte furieuse dans ma chambre et demande à une infirmière de vérifier… ce cathéter est maintenant droit comme un I. Sa vengeance n’était que verbale.

J’espère ne plus jamais rencontrer cet inhumain. Fin de l’histoire. Un vécu côté patient comme ils disent… qui sera vite oublié alors que mon nouveau cathéter marche super bien 🙂

 

Chambre stérile : room sweet room

Les chimiothérapies pour les leucémies et autres maladies du sang n’ont rien à voir avec celles des autres cancers : on est hospitalisé plusieurs semaines dans des chambres stériles ou dites « protégées », tandis que les perfusions attaquent votre moelle au bazouka pour tuer les cellules souches défectueuses.

Un traitement « destop » qui tue aussi les bonnes cellules et vous laisse en aplasie pendant quelques semaines, le temps de faire naitre de nouvelles cellules qui vont fabriquer les plaquettes et globules blancs et rouges.

Autant récréer un « room sweet room » pour occuper le temps et se sentir le mieux possible… la vie est trop courte pour la vivre triste et inconfortable. Voici la liste de ce que j’y ai apporté pour être le mieux possible:

  • coussin et oreiller (je ne sais pas vous, mais les oreillers en plastic sous le drap ça fait transpirer)
  • ordinateur (s’il y a du wifi, sinon, apporter un domino orange ou autre…) pour regarder des films ou des séries
  • musique (j’avais la chance d’avoir la mini enceinte bose connectée à mon iPhone – encore mille mercis à mon frère Arnaud)
  • mini-bouilloire + mug avec votre thé ou café préféré
  • prise multiple pour brancher le tout
  • bouquins ou encore mieux tablette (kindle ou autre) pour la recharger avec de nouveaux livres quand vous serez en stérile sans pouvoir rien accepter venant de l’intérieur
  • pommade rosa pour les lèvres qui se dessèchent vite dans cet univers confiné
  • chemises de nuit boutonnées de haut en bas pour passer facilement la perfusion
  • tenues pour la journée : j’ai adopté les chemises larges et boutonnées avec caleçons ou pantalons larges
  • sac pour linge sale
  • pas besoins de serviettes de toilette ni gants : ils sont donnés par l’hôpital et changés chaque jour pour éviter les microbes

L’équipe médicale vous verra débarquer avec de gros yeux…  pour ma part, lors de mon dernier séjour, j’ai tout mis dans une grosse valise à roulette 🙂

Photo de ma chambre spacieuse à l’hôpital :

80 jours

Il y a 80 jours, j’entrais pour la 1ère fois dans une chambre du service hématologie à l’hôpital. Pas le temps de faire le tour du monde, mais une période suffisante pour cerner cette maladie, la myelo-displasie et ses effets directs et indirects sur ma petite personne.

Première journée où je découvre une chambre spacieuse et lumineuse (non tous les hôpitaux ne se ressemblent pas !), avec cabinet de toilette et vélo fitness ; chambre seule pour pouvoir être à l’isolement quand l’aplasie arrivera (conséquence de la chimiothérapie, période pendant laquelle les globules blancs sont au plus bas et les risques d’infection au plus haut puisqu’on n’a plus aucune barrière immunitaire).

Journée également marquée par la pause d’un cathéter, ce câble qui allait désormais relier mon intérieur avec les produits chimiques composant mon protocole. Une petite heure au bloc opératoire, intervention d’un chirurgien content de lui qui opère au son de l’opéra, anesthésie locale… j’en reparlerai dans un prochain papier.

Enfin, m’est remise la présentation de l’étude Alpha 1200 -> le protocole qui sera le mien pour soigner la maladie : à gauche c’est la voie de la guérison, à droite c’est un chemin plus long et compliqué. Plutôt stressant, mais ne pas s’apitoyer… accepter ce qu’on ne peut changer, c’est une devise qui devra être la mienne dans les mois à venir.

 

 

Journal d’une femme moelleuse

Cette maladie m’est tombée dessus un sombre jour de décembre. Voilà des mois que j’étais hyper fatiguée, à avaler de la taurine le matin pour continuer à bosser et des médocs le soir pour dormir, je me faisais des bleus tout le temps, mais jamais je n’aurais imaginé qu’un crabe se développait au cœur de ma moelle osseuse.

Et puis à la suite d’un mega abcès dentaire, j’ai fait des premières analyses de sang dont la formule inversée fut d’abord attribuée au problème de dent et aux antibiotiques. « Attendons deux mois pour voir si tout rentre dans l’ordre » me dit un médecin. Et huit semaines plus tard, rebelote avec ces nouvelles analyses où les globules rouges et blancs faisaient le grand écart et les plaquettes avaient quasi disparu ! Direction rapide vers un hématologue qui a vite confirmé le pot aux roses (qui étaient plutôt rouge vif) et diagnostiqué une mielo-dysplasie. Avec 18% de blasts (c’est-à-dire de cellules jeunes qui n’arrivent pas à atteindre l’âge adulte pour produire les globules rouges, globules blancs et plaquettes qui composent notre sang), j’étais à deux doigts de la leucémie aigue.

Les bras m’en sont tombés, les larmes ont coulé et les perspectives de ma vie jusque là hyper active se sont transformées en l’espace de quelques heures.

Avec ce journal, sans prétention aucune, j’ai eu envie de partager cette expérience, faite de quelques angoisses, de découvertes, de rencontres, d’éclats de rire aussi et de petits trucs ou tips qui serviront peut-être à d’autres malades.