Malgré mon affirmation d’il y a quelques jours, (cf. article précédent) les douleurs n’ont cessé de s’amplifier, comme autant de combats parallèles qu’il faut mener chacun avec des armes différentes et en fonction du terrain.
Arrivé en premier, le rash cutané est déjà un vieil ennemi combattu lors de ma précédente chimio. Il avait duré environ 3 semaines et une bonne combinaison d’antihistaminiques en avait fait disparaitre les symptômes – le temps que la cause s’arrête (fin du Revlimid utilisé lors de ma 1ère hospitalisation). Ce rash là est revenu plus violent, mélange de plaques et d’éruptions volcaniques n’apparaissant jamais au même endroit du corps, et choisissant de plus en plus le clair de lune pour mieux bruler dans la nuit noire. Sa cause est incertaine et malheureusement les antiallergiques marchent beaucoup moins bien et moins longtemps. La cortisone ajoutée fait pourtant son job de fond. Après chaque vague, je me dis que c’est fini mais non, il revient chaque jour, faible mais encore combattif.
Quant à la mucite, elle se la joue printemps à fond et sème ses petits champignons à tout va dans ma bouche. Résultat, je ne peux pratiquement plus avaler – genre énorme angine – ni bouger la langue ce qui m’empêche de parler. Je dois me contenter de laper quelques bouchées des repas, passage obligatoire si je ne veux pas avoir une sonde gastrique pour me nourrir de force.
« Ce qui marche bien c’est la morphine » me dit le toubib. Etonnant d’utiliser cette molécule pour lutter contre la douleur d’un champignon dans la bouche non ? La seule et dernière fois que j’en ai consommé, c’était à forte dose en réanimation début janvier quand je faisais un choc septique et souffrait terriblement du ventre. J’avais alors entre les mains une pompe pour m’auto-administrer des doses supplémentaires de cet alcaloïde d’opium en plus de son injection permanente.
Voyage, voyage
Au cours de cette première expérience, j’avais été rapidement soulagée de cette douleur tenace et lancinante qui m’envoyait des coups de poignard depuis déjà plusieurs jours. Sauf que j’ai rapidement eu quelques hallucinations. Je demandais à l’infirmière pourquoi les lits bougeaient dans cet hôpital, je croyais entendre à distance le chef de service parler de mon cas et de mon cathéter qui devenait une idée fixe. Et même si je n’ai pas vu d’éléphants roses, mon mental vagabondait dans les limbes. Du coup j’hésitais un peu à repousser le bouton, inquiète de la destination de ce voyage.
Dans le cas présent, pas de pompe, il s’agit de me perfuser une dose bien plus faible mais en continue pour soulager la mucite. Au début ça n’a fait grand chose – je suis une dure à cuire – et bien qu’ils aient doublé les doses initiales, le résultat est vite là et les effets sont moins violents. Comme quoi c’est bien une histoire de dosage.
Ca ne marche pas sur toutes les douleurs
Ce n’est pas tout ! Alors que les fronts Rash et Mucite commencent à être maitrisés, est survenue une douleur intense dans les quatre membres (comme des déchirures musculaires ou des problèmes articulaires) qui m’a terrassée pendant la nuit de samedi à dimanche et ne m’a pas quittée pendant de longues vingt-quatre heures. A tel point que j’étais prostrée sur mon lit, raide comme la justice. Incapable de mettre le pied par terre, je me sentais vulnérable, fatiguée, dévastée, incapable du moindre geste.
J’ai donc réclamé une augmentation des doses et des petits shots (dits bolus) supplémentaires de morphine – au diable l’avarice ! Après approbation du médecin, je m’attendais vite à un soulagement et m’apprêtais à ce nouveau voyage chimique… pour m’apercevoir 2 heures après que non. Figurez-vous que ça n’a rien fait : le plus fort des anti-douleurs ne soulageait pas la plus forte de mes douleurs… Les voies de la chimie sont impénétrables !
Heureusement, une grosse fièvre a débarqué quelques heures après. Traitée rapidement avec ce bon vieux paracétamol des familles, elle nous a permis de comprendre que mes douleurs intenses pouvaient être soulagées d’au moins 50% avec. Ouf !
Forte de ce cocktail, j’ai pu écrire ce papier. Il n’y a pas de remède miracle aussi fort soit-il qui puisse traiter l’univers impitoyable des douleurs. Seule une combinaison de bon diagnostic, de chimie innovantes, de dosage et de timing permet de gagner ces batailles.
Je sais que celles-ci se termineront avec la fin de l’aplasie.. je la guette !